Drame de l'illégitimité à Ligny-les-Aire

Le procès-verbal qui suit (reproduit intégralement dans le registre des naissances de Ligny-les-Aire) nous raconte avec une foule de détails les malheurs d'une pauvre fille enceinte qui, rejetée, accouche dans les conditions les plus déplorables.

Cela se passait en 1807...

"L'an mille huit cens sept le vingt quatre novembre, onze heures du matin pardevant nous maire et officier de l'état civil de la commune de Ligny-les-Aire, canton de Norrent-fontes département du Pas-de-Calais, est comparu le Sr Martin CHARLES garde champêtre en cette commune âgé de cinquante cinq ans lequel nous a déclaré que ce jourd'hui, vers neuf heures du matin se trouvant au hameau de la Thimmande dépendant de cette commune, informé qu'une fille sans aveu, connue pour être enceinte, et être originaire de la commune d'Oeuf, arrondt de St Pol en ce département, se trouvait dans l'endroit, se mit à sa recherche pour l'arrêter et la remettre entre les mains des magistrats de police, qu'instruit de la route qu'elle venait de prendre, il la suivit, et la trouva dans les champs sur le bord d'un chemin peu fréquenté et dessous une tête de saulles à l'endroit ou canton dit La feuilly; qu'arrivant à elle, il fut au comble de la surprise d'entendre la vois plaintive d'un enfant nouveau né qu'elle tenait dans sa juppe qui était pour ainsi dire le seul meuble qu'elle portait; laquelle s'amusait à battre la terre avec un bâton: qu'il appella à l'instant des gestes et de la voix le Sr Pierre DELEPINNE domestique en cette commune, âgé de trente six ans qui béchait la terre à peu de distance de cet endroit, lequel lui dit qu'il venait de voir passer cette fille près de son travail, qu'il n'avait pas fait grande attention, mais qu'il a remarqué qu'elle portait quelque chose devant elle, dans sa juppe, mais qu'il n'avait rien entendu.

Qu'ils avaient aussitot interpellés cette fille de les suivre, et qu'ils l'avaient conduite avec son enfant chez le Sr Jean BENCTEUR audit hameau de la Thimmande qui était la maison la plus voisine; que là arrivés ils trouvèrent plusieurs individus déjà prévenus de la circonstance par la rumeur publique, qu'ils requèrent la femme dudit BENCTEUR de netoyer l'enfant, de le réchauffer, de l'enmaliauter et des soins de la mère, qu'à cause du péril de mort et aperçevant qu'aux approches du feu, l'enfant qui était presque glacé, paraissait s'affaiblir, ils le firent ondoyer, et qu'aussitôt qu'il fut réchauffé et enmalioté, ils partirent de l'endroit pour faire suppléer aux cérémonies de baptème par Monsieur le Dessservant, qu'enfin ils me le présentèrent et après l'avoir visité nous avons reconnu qu'il était de sexe masculin et qu'il parraissait né de quelques heures, de suite nous avons inscrit l'enfant sous les noms et prénoms de Louis de la Feuilly et avons ordonné qu'il fut remis à sa mère par l'un et l'autre, être à temps opportun reconduit audit Oeuf, nous nous sommes à l'instant transportéschez ledit BENCTEUR où se trouvait la mère, nous l'avons en présence que dessus interpellés de nous déclarer ses noms, prénoms, âge, profession et domicile, à quoi elle nous a répondu qu'elle s'appelait Ernestine HARDY âgée environ dix huit ans, qu'elle était originaire de la commune d'Oeuf fille en légitime mariage des feus Antoine HARDY et Julie Berthe BELLINGUEZ sa femme, elle a ajouté que le père de son enfant était le nommé Philippe PETIT, garçon à marier demeurant audit Oeuf, mais originaire de Linzeux, interpellés de nous déclarer pourquoy elle avait ainsi portée son enfant dans les champs, elle nous a déclaré avoir enfantédans la grange dudit BENCTEUR, qu'ensuite elle a prit son enfant dans sa juppe dans le dessein de s'en aller dans une ferme de Ligny où elle croiait être reçue mais qu'arrivait à l'endroit où le garde la trouva le mal l'avait tenu de s'y asseoir.

De quoi nous avons dressé procès-verbal, en présence desdits Charles DELEPINNE, du Sr BENCTEUR chez qui la femme et l'enfant furent déposés, du Sr DELGERY âgé de trente deux ans propriétaire en cette commune, et de Bonaventure BENCTEUR fils dudit Jean BENCTEUR âgé de trente et un ans journalier en cette commune qui ont signés avec nous après que lecture leur a été faite du contenu au présent procès verbal, excepté ledit DELEPINNE qui a déclaré ne scavoir écrire ni signer de ce interpellé.

Laditte Ernestine HARDY pareillement interpellée de signer sa déclaration a déclaré en présence que dessus ne scavoir écrire ni signer."

(signature de :) DELGERY BENTEUX Bonaventure BENTEUX M.CHARLE C. J.
BLANPIN (maire)

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