Maintes fois honoré par la Nation, il vit aujourd’hui une retraite paisible parmi les siens, accompagné par Claire, sa charmante épouse. Il a bien voulu me confier les notes de ses années de galère.
Je vous livre l’incroyable récit de ses évasions dignes d’entrer dans une production cinématographique.
Bonne lecture !
Le 3 septembre 1939 : déclaration de la guerre contre l’Allemagne. Nous bâclons le mois d’instruction qui nous restait à faire et nous voilà embarqués à la gare de l’Est. Nous voyageons dans des wagons à bestiaux en direction des premières lignes, bien avant la ligne Maginot. Nous sommes restés 6 mois à creuser des tranchées et à remplir des sacs de sable. Faisant partie des Corps Francs, toutes nos nuits se passaient en patrouilles aux avants postes. Étant à une distance de 150 à 500 mètres de l’ennemi, des coups de feu étaient fréquemment échangés. Nous dûmes parfois ramener des camarades blessés. Avec leurs haut-parleurs, les Allemands essayaient la méthode de l’intoxication « Français, jetez vos armes …Pourquoi vous faire tuer bêtement…Rentrez chez vous, n’écoutez pas vos dirigeants … Nous aussi nous voulons la paix. » Puis vint l’exode avec son lot de calamités. A cette époque nous faisions des marches de 30 km avec tout le barda sur le dos. L’harnachement se composait d’un sac individuel avec une couverture, d’un bouteillon tape-cul accroché sous le sac, d’un masque à gaz, d’un fusil avec cartouches et baïonnette de 2 chargeurs de FM et de grenades. Avec nos gros godillots, il n’était guère facile de nous déplacer sur des routes verglacées car l’hiver était venu. Inutile de vous dire qu’après de tels déplacements, le soir venu, nous tombions comme des mouches, même le canon n’aurait pu nous réveiller. Après ces six mois en premières lignes, retour vers l’arrière. Nous sommes arrivés à Lons le Saulnier puis cantonnés dans un petit village du nom de TRENAL. Une médaille fut remise à notre drapeau pour fait de guerre. Comptant faire ma carrière dans l’armée, je suivis le peloton pour passer caporal. Cela ne me servit guère, ce fut un nouveau départ pour reformer le régiment qui manquait d’effectifs. Le 3 mai 1940, nous arrivons à Livron sur Drôme près de Valence et surprise, les cerisiers étaient chargés de fruits mûrs. Nous avons dégusté ces fruits avec délectation. Les occasions de détente étaient tellement rares que cela m’est resté en mémoire.
Le 10 mai 1940, l’Allemagne envahit la Belgique. Nous revoilà repartis vers le Nord, le premier bataillon subit de lourdes pertes. Nous eûmes néanmoins quelques alertes qui nous obligèrent à chercher quelque abri. Nous arrivâmes au terme du voyage, nous voilà débarqués en pleine campagne avec ordre de ne prendre que l’équipement militaire, direction canal du Nord. L’activité aérienne était très dense, c’était un bourdonnement incessant au-dessus de nos têtes. Pourtant à THIESCOURT dans l’Oise, nous avons vu un avion allemand abattu.
Une partie du moteur et l’hélice étaient profondément enfoncées dans le sol, quant au pilote, il avait réussi à sauter en parachute. Pour notre bataillon, la consigne nous avait été donnée de réaliser un trou individuel et de s’y terrer. La chose n’était guère facile avec tous ces avions. Nous tirions en l’air sachant bien que c’était dérisoire. Un petit village avait été fortifié et l’on y avait aménagé des fortins. Les habitants du village, habités par la peur, fuyaient en emmenant quelques provisions. Les morts restaient sur place et les blessés avaient parfois la chance d’être ramassés par une ambulance..."
M. René Dubrocq est né à Burbure le 9 juin 1919. Surnommé Tarzan dans notre commune, il a toujours ce sourire des gens généreux et sincères.
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